Editions: BAYARD
La journaliste de La Croix, Céline Hoyeau, travaille depuis longtemps sur les communautés nouvelles. Dans son ouvrage La Trahison des pères (Bayard), son analyse se porte particulièrement sur ces fondateurs dont la face sombre se révèle ces dernières années.
Marie-Dominique et Thomas Philippe, André-Marie van der Borght, Éphraïm, Thierry de Roucy, Jean Vanier et une dizaine d?autres : la liste fait froid dans le dos. Ils étaient le « printemps de l?Église », décrypte celle qui confie avoir forgé sa foi dans ces communautés aujourd?hui remises en cause. Dans ce XXe siècle marqué par une sécularisation de la société dès les années 1920, deux guerres mondiales, un concile, une révolution sexuelle, ils ont été perçus comme des « prophètes ».
Persuadés d?être les « sauveurs de l?Église », ils ont construit leur communauté sur un appel venant des croyants et conforté à leurs yeux par Dieu qui leur a envoyé des « signes » ; ils ont d?ailleurs cherché à se faire conforter par les « mystiques » de ce siècle, dont Marthe Robin, et ont érigé leur structure dans l?optique de recruter largement.
Le terrain était propice : la perte de repères, la baisse de la connaissance religieuse, la quête de sens de la population, tout comme les guerres idéologiques dans l?Église, ont été autant d?ingrédients qui ont empêché la vigilance quand « l?orgueil spirituel » les a fait basculer.
Paradoxalement, c?est alors que les figures d?autorités traditionnelles comme les curés perdent de leur aura que ces « bergers » trouvent leur heure de gloire.
« Ce qui légitime aux yeux des croyants l?autorité spirituelle d?un prêtre n?est plus tant sa fonction, celle que l?institution lui confère par l?ordination, que le don personnel, l?aura spirituelle, la qualité extraordinaire, au-dessus du commun des mortels, que le groupe lui reconnaît », écrit Céline Hoyeau.
Et ces hommes (et quelques femmes) ont su en jouer. « Il semble qu?on puisse distinguer parmi ces abuseurs deux grands types : le ?vrai pervers? qui va créer le cadre dans lequel il va construire un système de manière en partie inconsciente) par lequel asseoir son pouvoir et jouir de contrôler, de posséder (et de détruire) l?autre ; et la personne qui présente une faille narcissique et qui, dans un contexte non contrôlant et d?adulation, va aussi exploiter les autres, provoquant de la souffrance chez eux moins par intention que par une soif jamais assouvie d?être reconnue. »